viernes, 16 de octubre de 2009

ACTUALITÉS DE FRANCE

Jean Sarkozy ou le scandale d'une amnésie collective

Le quotidien belge s'étonne de la polémique provoquée par la candidature du fils du président à la tête de l'Etablissement d'aménagement public de La Défense (EPAD). Les Français auraient-ils oublié que leur pays est celui où les "fils de" sont rois ?

15.10.2009 | Bernard Delattre 

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Le président français et son fils, durant une cérémonie de commémoration de l'appel du 18 juin 1940, juin 2009

e président français et son fils, durant une cérémonie de commémoration de l'appel du 18 juin 1940, juin 2009

Le fait du roi ou de l'empereur ?

Les Français sont prompts à fustiger les tendances monarchistes de Nicolas Sarkozy, voire à le dépeindre en Roi-Soleil tenté par l'absolutisme. La comparaison étonne laSüddeutsche Zeitung, qui juge plus crédible la "piste corse". Pour le quotidien allemand, si un homme politique français s'est illustré en ce qui concerne le népotisme, c'est bien Napoléon Bonaparte, qui avait assuré à ses quatre frères et à ses trois sœurs des positions éminentes au sein de l'Empire.

Les Français auraient pu, par exemple, s'intéresser au pouvoir d'influence de l'épouse du Président. Qui, aujourd'hui, est manifeste, voire sans précédent. L'a notamment attesté, ces derniers mois, une série de nominations de proches de Carla Bruni-Sarkozy à la tête de grandes institutions culturelles. Ils ont choisi de se passionner plutôt pour la promotion de la descendance de leur chef d'Etat. Au risque de donner l'impression d'être victime d'amnésie collective.

Car Nicolas Sarkozy est loin d'être le premier hôte de l'Elysée à favoriser sa descendance. Ce qui le singularise par rapport à ses prédécesseurs, c'est la manière totalement décomplexée dont il procède. Et l'ampleur du hiatus avec ses propres engagements de campagne, que cette pratique révèle. Pour rappel, avant son arrivée à l'Elysée, le candidat Sarkozy avait (par exaltation, imprudence ou cynisme ?) promis que, sous son règne, la France aurait "une République exemplaire", caractérisée notamment par des nominations "irréprochables".

Pour d'éminents constitutionnalistes comme Dominique Rousseau, qui s'exprimait mercredi soir [14 octobre] dans les colonnes du Monde, cet usage"n'est pas symbolique de la Ve République, mais plutôt de la culture monarchiste française latente dans notre pratique politique et constitutionnelle depuis 1789". Même si cette habitude est tout sauf exclusivement française, comme viennent encore de le rappeler les scrutins en Grèce ou au Japon.

S'agissant de la France, les mémorialistes de la République remontent jusqu'aux "grandes dynasties politiques" que constituèrent jadis les familles Carnot, Arago ou Jeanneney. Plus proche de nous, le Président Giscard d'Estaing se démena longtemps pour assurer une carrière politique à sa progéniture, réussissant à ce qu'un de ses fils devienne le plus jeune conseiller général de France, comme le fut un jour un certain Jean Sarkozy. Son prédécesseur Georges Pompidou eut un fils qui se fit élire en grande partie sur son nom au Parlement européen. François Mitterrand fit sévir son fils Jean-Christophe, surnommé "Papa m'a dit", à la cellule africaine de l'Elysée (ce qui lui valut d'être plus tard condamné par la justice) et siéger un autre de ses fils, Gilbert, à l'Assemblée. Et, sous Jacques Chirac, une conseillère omnipotente à l'Elysée n'était autre que sa propre fille Claude.

Le pouvoir présidentiel, du reste, n'est pas le seul à recourir à ces pratiques. Au Parlement siègent encore à présent des héritiers de fameuses lignées politiques que sont les Debré, Dassault ou Poniatovski. Dans les gouvernements, on a vu un Pierre Joxe ou un Jean-Louis Debré, eux aussi des "fils de". L'actuelle ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, compte son fils parmi ses plus proches collaborateurs. Son collègue de la Défense, le néocentriste Hervé Morin, fut accusé d'avoir bombardé nombre de membres de sa famille sur les listes de son parti.

A l'échelon municipal, que dire de la dynastie Baudis, qui gouverna Toulouse pendant des décennies ? Des Parisien Tiberi et Dominati, qui réussirent à placer leurs rejetons ? De la récupération par la droite de la fille de l'ex-Premier ministre Bérégovoy ?

Sans parler de deux "filles de" que l'on compte aujourd'hui parmi les plus féroces contempteurs des pratiques de la famille Sarkozy : Martine Aubry et Marine Le Pen.


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